Interview #3
Salut Cécile, merci d’avoir répondu positivement à mon invitation d’interview. Tout d’abord avant de rentrer dans le vif du sujet, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ? nous dire qui tu es, qu’est-ce que tu fais ?
Cécile : Bonjour, j’ai 42 ans, je suis mère de 2 adolescents qui ont 18 ans et 16 ans avec lesquels je vis toute seule.
Et puis je suis enseignante et depuis 2 ans je travaille avec des enfants qui ont des troubles des fonctions cognitives (ce sont des enfants qui ont, pour de multiples raisons, des difficultés pour apprendre).
J’ai entamé depuis 1an ½ un processus de reconversion pour quitter l’Education Nationale quand ce sera possible et pour cela, j’ai créé une activité de coaching par l’écriture. C’est quelque chose d’assez novateur, je ne pense pas que ça existe beaucoup ce que je fais. Alors parfois les gens ont du mal à comprendre. Je ne fais pas de l’accompagnement à la publication, ni de correction de manuscrit.
En fait, j’aide les gens à être mieux dans leur vie, c’est du coaching de développement personnel, à travers l’écriture. Donc il n’y a pas besoin, pour travailler avec moi, de savoir écrire.
Il y a beaucoup de gens autour de moi qui me disent : “Je n’ai pas confiance dans mon écriture” et quand je vois ce qu’ils écrivent, c’est très beau parce que ça parle d’eux. J’accompagne les personnes pour leur permettre, avec l’écriture et la créativité en général, de nourrir un espace à l’intérieur d’elles qui soit inaliénable et sur lequel elles puissent toujours compter quelles que soient les circonstances.
L’objectif c’est de créer un espace où se ressourcer.
Une sorte d’écriture instinctive en fait ?
Cécile : Oui beaucoup d’écriture spontanée, d’écriture plaisir, reliée à son enfant intérieur. Et comment mettre en place cette écriture au quotidien sans se prendre la tête, sans se dire « Comment je vais construire quelque chose ? » ou « Est-ce que j’ai du style ? » etc… C’est vraiment l’écriture comme moyen de se reconnecter à son intériorité et de prendre conscience de son unicité et de ses talents.
Je me souviens que lorsque je t’ai invitée à faire une interview, tu m’as dit : “je travaille à prendre soin de mon rythme. Alors j’ai envie de te demander, pourquoi ?
Cécile : Oui tout à fait. En fait, j’ai pris la décision de me reconvertir il y a déjà plus de 2 ans, en juin 2018. Il y a eu un concours de circonstances qui a fait que je me suis dit : « Là je ne suis plus alignée avec mes valeurs dans l’Education Nationale. »
Pendant un an, jusqu’en mai 2019 où je me suis investie dans un projet de blog sur le handicap avec mon amie Sabine Komsta, qui est Auxiliaire de Vie Scolaire, c’était une belle aventure et à un moment j’ai pensé que ça allait peut-être m’ouvrir des portes pour sortir de l’Education Nationale, ce qui n’a pas été le cas finalement. Et puis je me suis auto-formée avec des petits cours gratuits, des podcasts sur l’entrepreneuriat.
Et en février 2019, j’ai pris le statut d’auto-entrepreneur. J’ai une formation littéraire mais si tu veux quand on est enseignant on n’a pas d’autre formation, par exemple je n’y connaissais rien en marketing etc… Donc j’ai fait des formations et j’ai commencé à développer mon activité de coach tout en faisant mon métier d’enseignante à temps plein.
Et je me suis retrouvée l’année dernière à travailler sans arrêt, à passer d’une activité à une autre sans cesse.
Depuis l’adolescence j’ai des tics nerveux par phases et je me suis retrouvée cet été à avoir, au début de mes vacances, des tics que je ne contrôlais plus du tout, mon corps décompressait. Et là je me suis dit : « ça ne va pas être possible parce que ton corps ne va pas tenir ».
C’est pour ça que, comme je te le disais sur Instagram quand on s’est rencontré, depuis septembre 2020 j’ai dû complètement revoir les choses.
Alors c’est vrai que j’ai toujours eu une bonne hygiène de vie, je dors bien, je fais attention à mon alimentation mais là je n’avais plus de temps de sas, de temps de pause. Donc je me suis obligée à ralentir le rythme, à en faire moins, à davantage m’écouter.
Du coup pendant 2 mois j’ai continué à publier ma newsletter, à faire du marketing, à accompagner mes clients sur mon programme d’écriture mais je ne pouvais pas me consacrer à la création de mon nouvel accompagnement de femmes par exemple. J’ai dû prioriser.
Je me disais : « Si tu accompagnes des gens et que toi-même tu ne prends pas soin de ton écologie personnelle c’est un peu contradictoire.
Et du coup, de quelle manière est-ce que tu as pris soin de toi. Quels sont les éléments sur lesquels tu t’es mise focus ?
Cécile : En semaine le matin, je me lève assez tôt vers 5h30. Je pars vers 7h de chez moi, je fais un peu de sport, je lis, j’écris un petit peu.
Avant je travaillais en répondant à des mails, maintenant je me suis interdit de travailler.
Le midi, ça pouvait m’arriver de travailler pour l’école, là sauf si on a une réunion ou que j’ai une urgence, je m’oblige à faire une vraie pause. J’ai une grosse pause de 2h, c’est un moment où j’aime bien écrire sur les réseaux sociaux car j’aime bien échanger avec les gens.
Et puis je me suis forcée à en faire moins le week-end, c’est à dire que je travaille un minimum pour l’école et un peu pour mon activité. Mais je ne mets pas mon réveil le dimanche et je fais des siestes.
Et puis j’ai fait une anémie il y a 2 mois. Pour moi le corps et l’esprit sont très liés à l’émotionnel donc ce qui arrive à mon corps je le prends toujours comme un message. Je me suis dit : « Là il va falloir que tu te calmes parce que tu as besoin de ton corps ».
Pour moi la reconversion c’est aussi une course d’endurance si tu veux parce que j’en ai encore pour 2 ans, je pense que je pourrai faire la bascule en 2022.
C’est une décision pas toujours facile de ralentir parce que tu es moins là, tu bosses moins mais bon je pense que parfois il faut accepter de “perdre” du temps pour en gagner ensuite.
Là clairement il fallait que je sois moins dans l’action et plus dans la réceptivité de ce que la vie m’envoie. Je suis dans cette dynamique depuis septembre 2020. Je suis facilement “dans l’action” comme je suis anxieuse. C’est important que je laisse du vide parce que sinon je ne verrais pas les portes que va m’ouvrir la vie.
Au niveau de ton rythme hebdomadaire est-ce que tu peux nous partager ton équilibre entre temps d’activité et temps de repos ? Sur les 168 heures dont on dispose sur une semaine, comment ça se répartit chez toi ?
Cécile : Je ne travaille pas le mercredi après-midi donc j’essaie cette année de faire une petite pause. Je me repose aussi le week-end, même si, comme je suis maman solo, il y a les courses et des tas de choses à faire. Ce qui me ressource beaucoup c’est la lecture, qui est un oxygène pour moi.
Après il y a les moments avec les amis qui me ressourcent énormément le week-end.
Ce que j’ai appris à faire c’est à intégrer des pauses régulièrement dans le travail, parce qu’avant c’était un peu la carotte : tu bosses et après tu as le plaisir de la récompense.
Maintenant je mets des pauses comme ça en milieu de journée, des petits moments de plaisir. En ce moment c’est aller boire un bubble tea dans un endroit que j’aime bien (désormais le prendre à emporter !) en me disant : « C’est une oasis où tu te ressources parce que la journée n’est pas finie ». Tu vois, j’ai aussi changé là-dessus, je fais beaucoup plus attention à mon réservoir d’énergie. Je n’attends pas qu’il soit vide pour aller le remplir en fait.
Et tu me disais aussi que ça faisait une dizaine d’années que tu faisais du sport ?
Cécile : Oui j’ai suivi plusieurs psychothérapies car j’ai souffert de crises d’angoisses quand j’étais jeune, j’en ai guéri. Depuis 2011 je fais une psychanalyse que je pourrais arrêter mais que je continue car je trouve important d’avoir cet espace. Et c’est vrai qu’à ce moment-là, ça a été une période difficile de ma vie, j’ai divorcé, j’ai dû redéménager en urgence, bref, c’était très compliqué.
Je me rappelle avoir vu le film “La guerre est déclarée » réalisé par Valérie Donzelli et ça m’avait frappée la pulsion de vie qu’il y avait dans ce film-là. Leur fils était hospitalisé et les parents couraient ensemble dans un parc, faisaient la fête avec leurs amis, la vie continuait malgré tout. Je m’étais dit que cette pulsion de vie était précieuse, qu’il fallait l’entretenir. Et de fil en aiguille j’ai commencé à courir régulièrement et ça m’a fait du bien. J’ai aussi beaucoup nagé à une époque.
Je cours, en général, tous les jours 15 minutes avant d’aller travailler et le week-end, avec une journée de relâche dans la semaine. Et c’est très important pour moi, à la fois pour le physique et le mental.
Est-ce que tu as des petites habitudes préférentiellement le matin ou le soir ?
Cécile : Le matin je cours. Sinon l’activité que j’aime bien et pour laquelle j’essaie d’être régulière, c’est « les pages du matin ». Ce sont des pages en écriture automatique pour vider ta tête.
C’est de la lecture, si j’ai le temps au petit déjeuner ou alors dans les transports. Après, tu sais, comme j’ai des enfants, il y a les tâches classiques comme vider le lave-vaisselle, préparer le petit déjeuner.
Et le week-end j’ai plus de temps à accorder à la lecture.
Le soir, comme c’est plutôt la vie de famille, c’est la lecture avant de dormir, ça fait toujours un sas et puis une boisson chaude ou une tisane.
Tu disais que tu mangeais plutôt équilibré, c’est que tu as des connaissances ou que tu t’y intéresses?
Cécile : Non, mais je pense que je suis assez raisonnable comme fille. Bon ce n’est pas toujours une qualité mais comme j’ai une base anxieuse, j’ai toujours cherché l’équilibre dans ma vie. Donc c’est vrai que je n’aime pas trop les excès. Depuis que j’ai les enfants, je fais très attention aux fruits et légumes. Par exemple, tous les matins je mange un fruit. Je compte toujours mes 5 fruits et légumes par jour, c’est important pour moi d’en avoir toujours dans la cuisine, c’est la base.
Après je ne suis pas quelqu’un qui cuisine mais j’essaie de faire des choses équilibrées. En revanche j’étais très gourmande de sucre et ces dernières années j’ai vraiment limité. J’ai dû apprendre à moins boire de thé à cause de mon anémie car j’étais une droguée de thé donc là je remplace par des tisanes, du rooibos.
Je suis pour la “prévention” aussi, avec les médecines douces quand c’est possible. Par exemple j’ai fait de l’hypnose pour mes tics.
Sinon est-ce que tu as une éthique particulière ? Vegan, végétarienne ?
Cécile : Non, j’aime bien la viande mais je n’en mange pas des tonnes. J’en mange davantage pour avoir du fer ces temps-ci. J’ai plutôt une philosophie de tout en quantité raisonnable pour un équilibre.
Et du coup comme tu dis que la cuisine ce n’est pas forcément ton truc, tu as plutôt tendance à prendre des plats préparés tout prêts ?
Cécile : J’évite mais j’en ai quand même à la maison parce que ma fille ne mange pas à la cantine et que je n’ai pas le temps de lui préparer un déjeuner particulier. Sinon moi je me prépare une salade composée le midi ou un sandwich. Au quotidien je fais des choses simples, comme cuire du poisson avec du riz et des courgettes. Si je prépare un plat un peu “funky” comme les carbonaras je mets de la salade avec. J’essaie toujours qu’il y ait un apport en légumes.
Je ne suis pas une grande cuisinière mais je fais attention à ce que j’achète. Je ne suis pas végétarienne mais j’achète des galettes de céréales par exemple. Je suis pour une vision alimentaire qui ne soit pas trop dogmatique parce que ça, ça me fait toujours un peu peur.
Je prends le plus possible des choses biologiques pour les fruits, les légumes, les oeufs mais je ne peux pas toujours manger bio non plus.
ça te fait un équilibre et l’avantage c’est que tu ne te lasses jamais de ce que tu manges?
Cécile : Voilà, et c’est vrai que la cuisine ça reste toujours un bonheur et une convivialité et moi je trouve important, quand tu arrives à table, que tu manges des choses qui te fassent plaisir. Mes enfants sont grands mais je continue à leur préparer leur petit déjeuner. Arriver dans la cuisine et voir que l’on a préparé un plat pour toi ça donne de l’énergie, c’est une petite attention qui change le quotidien.
Si je reviens sur ton sommeil est-ce que tu es plutôt quelqu’un qui dort bien ou qui a plutôt des nuits agitées ?
Cécile : Alors moi j’ai beaucoup de chance, j’ai un excellent sommeil. Je fais partie des gens qui, quand ils ont un problème, fuient dans le sommeil plutôt que ressasser et de ne pas dormir. Je suis assez concentrée dans ce que je fais mais je suis fatigable donc j’ai besoin de récupérer.
Il y a eu la période, quand mes enfants étaient petits, où mon sommeil a été altéré. Je les couchais et je prenais ensuite du temps pour moi.
Du coup je me couchais tard et ça je pense qu’il aurait fallu calquer mon rythme sur celui des enfants. Quand je me suis séparée, je me suis alignée sur l’heure de coucher de mes enfants, 21h30, et j’ai pris cette habitude et donc je me couche tôt, sauf le week-end ou en période de vacances où je peux traîner.
Le sommeil c’est aussi quelque chose auquel je fais très attention car dans mon métier il faut avoir beaucoup de patience et donc je ne pourrais pas me coucher à minuit et être en forme pour mes élèves, ça me serait impossible.
C’est tout à fait compréhensible. Et dans la vie d’indépendant on parle souvent de montagnes russes émotionnelles. Même si tu as encore 2 métiers, donc là dans ton activité d’écriture, est-ce que tu es sujet à ces émotions fortes qui font le yoyo ?
Cécile : Non pas trop. J’ai toujours en tête ce mot qui m’avait marquée chez les bouddhistes tu sais de “l’égalité d’humeur”, l’équanimité. Donc il y a des fois où je m’énerve bien sûr mais j’essaie globalement de garder mon calme. Dans la vie je suis quelqu’un d’assez joyeux et positif. Tout ce qui est de l’ordre de la mélancolie aspire mon énergie donc je me protège beaucoup, je ne regarde pas les actualités et les films éprouvants. J’ai une joie assez constante avec des moments plus difficiles mais c’est plus lié à la charge mentale. C’est plutôt la fatigue de devoir tout cumuler.
Je relativise aussi beaucoup les choses car ma mère est entrepreneure depuis longtemps, mon père a été aussi entrepreneur donc si tu veux je sais quelle est cette réalité : beaucoup de travail et de pression, en contrepartie de la liberté. Je suis quelqu’un d’assez patient et qui voit sur le long terme, même si je trouve très difficile de continuer à faire un métier où je ne suis pas alignée avec mes valeurs.
Je suis très disciplinée et persévérante. Je ne suis pas quelqu’un qui se décourage facilement. Même si parfois il y a des moments durs, le lendemain je repars. Je n’ai pas de grosse période de déprime et la psychanalyse y est pour beaucoup.
Le travail thérapeutique, je trouve que tout le monde devrait le faire, c’est une façon de prendre rendez-vous avec soi, de régler ses problèmes pour ne pas aussi encombrer son entourage et ses enfants.
Et je pense vraiment que toutes les réponses sont en nous, qu’il faut les mettre à jour et ça c’est un travail.
Et du coup pour conclure, est-ce que tu aurais un conseil, une anecdote à donner à mes abonnés ?
Cécile : J’aurais tendance à dire aux gens : « Écoutez-vous”. Ça va avec ce que je te dis quand toutes les réponses sont en toi. Je pense qu’il faut faire attention à son intuition, à son petit guide intérieur qui te dit quand tu es bien ou pas, quand tu es à ta place. C’est aussi ce qui guide tes choix.
On est quand même dans une période très difficile et je pense que la solution est dans nos ressources intérieures, dans cette pulsion de vie.
Et je dirais aussi, honorer la vie, être à l’affût des belles choses, entretenir les liens entre les gens. Multiplier la vie dans nos actions. Par exemple, l’amour des tiens on ne pourra pas te l’enlever, le fait que tu prennes un carnet et que tu dessines, on ne pourra pas te l’enlever. Il y a plein de choses qu’on ne pourra pas t’enlever.
C’est : prenez soin de la personne unique que vous êtes, le monde a besoin de vous.
Comme tu aimes lire, est-ce qu’il y a un livre que tu pourrais recommander pour bon nombre de personnes ?
Cécile : Et bien écoute, je vais conseiller un livre que j’ai lu récemment et qui pour moi est une splendeur, c’est « La papeterie Tsubaki » d’Ito Ogawa. J’aime beaucoup la littérature japonaise. Le personnage principal est une écrivaine publique et les gens viennent pour qu’elle écrive les lettres à leur place. Tout est beau dans ce livre.
Et j’ai lu tous les livres de cette auteure, vous pouvez y aller, ils sont tous magnifiques.
Où est-ce que mes abonnés peuvent te retrouver et te contacter ?
Cécile :